Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/216

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regardent comme des preuves indubitables de la prédilection divine. Enivrés de ces préjugés, nos enthousiastes n’appercevront point les maux & les désordres dont l’univers est le théâtre ; ou s’ils ne peuvent s’empêcher de les voir, ils se persuaderont que dans les vues d’une providence bienfaisante ces calamités sont nécessaires pour conduire les hommes à une plus grande félicité ; la confiance qu’ils ont pris dans la divinité dont ils s’imaginent dépendre leur fait croire que l’homme ne souffre que pour son bien, & que cet être fécond en ressources sçaura lui faire tirer des avantages infinis des maux qu’il éprouve en ce monde. Leur esprit, ainsi préoccupé, ne voit dès lors rien qui n’excite leur admiration, leur gratitude, leur confiance ; les effets les plus naturels & les plus nécessaires leur semblent des miracles de bienfaisance & de bonté ; obstinés à voir de la sagesse & de l’intelligence par-tout, ils ferment les yeux sur les désordres qui pourroient démentir les qualités aimables qu’ils attribuent à l’être dont leur cœur est épris : les calamités les plus cruelles, les événemens les plus affligeans pour la race humaine cessent de leur paroître des désordres, & ne font que leur fournir de nouvelles preuves des perfections divines : ils se persuadent que ce qui leur paroît défectueux ou imparfait ne l’est qu’en apparence ; & ils admirent la sagesse & la bonté de leur dieu, même dans les effets les plus terribles & les plus propres à consterner.

C’est à cette ivresse amoureuse, à cette infatuation étrange qu’est dû, sans doute, le systême de l’optimisme, par lequel des enthousiastes, pourvus d’une imagination romanesque, semblent avoir renoncé au témoignage de leurs sens pour