Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

affecté ; il n’y aura point de mesure fixe dans les jugemens que l’on en portera : nos façons de juger seront toujours fondées sur nos façons de voir & de sentir, & notre façon de sentir dépend de notre tempérament, de notre organisation, de nos circonstances particulières, qui ne peuvent être les mêmes pour tous les individus de notre espèce. Ces différentes façons d’être affecté fourniront donc toujours les couleurs aux portraits que les hommes se feront de la divinité ; conséquemment ces idées ne peuvent être ni fixes ni sûres ; les inductions qu’ils en tireront ne seront jamais ni constantes ni uniformes ; chacun jugera toujours d’après lui-même, & ne verra que lui-même ou sa propre situation dans son dieu.

Cela posé, des hommes contens, d’une ame sensible, d’une imagination vive se peindront la divinité sous les traits les plus charmans : ils ne croiront voir dans la nature entière, qui sans cesse leur causera des sensations agréables, que des preuves signalées de bienveillance & de bonté ; dans leur extase poétique, ils s’imagineront appercevoir par-tout les empreintes d’une intelligence parfaite, d’une sagesse infinie, d’une providence tendrement occupée du bien-être de l’homme : l’amour propre, se joignant encore à leur imagination exaltée achevera de leur persuader que l’univers n’est fait que pour la race humaine, ils s’efforceront en idée de baiser avec transport la main imaginaire dont ils croiront tenir tant de bienfaits ; touchés de ces faveurs, flattés du parfum de ces roses dont ils ne voient point les épines ou que leur délire extatique les empêche de sentir, ils ne croiront pouvoir payer d’assez de reconnoissance ces effets nécessaires, qu’ils