D’après ces principes fondés sur notre nature, & qui paroîtront incontestables à tout être raisonnable, examinons de sang froid les effets que les notions de la divinité ont produit sur la terre. On a déja fait entrevoir en plus d’un endroit de cet ouvrage que la morale, qui n’a pour objet que l’homme voulant se conserver & vivant en société, n’avoit rien de commun avec les systêmes imaginaires qu’il peut se faire sur une force distinguée de la nature ; on a prouvé qu’il suffisoit de méditer l’essence d’un être sensible, intelligent, raisonnable pour trouver des motifs de modérer ses passions, de resister à des penchans vicieux, de fuir les habitudes criminelles, de se rendre utile & cher à des êtres dont on a un besoin continuel. Ces motifs sont, sans doute, plus vrais, plus réels, plus puissans que ceux que l’on croit devoir emprunter d’un être imaginaire, fait pour se montrer diversement à tous ceux qui le méditeront. Nous avons fait sentir que l’éducation en nous faisant contracter de bonne heure des habitudes honnêtes, des dispositions favorables, fortifiées par les loix, par le respect pour l’opinion du public, par les idées de la décence, par le desir de mériter l’estime des autres, par la crainte de perdre l’estime de nous-mêmes, suffisoit pour nous accoutumer à une conduite louable, & pour nous détourner même des crimes secrets dont nous serions forcés de nous punir nous-mêmes par la crainte, la honte & le remords. L’expérience nous prouve qu’un premier crime secret & qui réussit dispose à en commettre un second, & celui-ci un troisiéme ; qu’une première action est le commencement d’une habitude ; qu’il y a moins loin d’un premier crime au centième que de l’innocence au crime ; qu’un homme qui dans l’assûrance de l’im-