Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/25

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vre la chaîne, ils tranchent la difficulté, & terminent leurs recherches en appellant Dieu la dernière des causes, c’est-à-dire, celle qui est au-delà de toutes les causes qu’ils connoissent ; ainsi ils ne font qu’assigner une dénomination vague à une cause ignorée, à laquelle leur paresse ou les bornes de leurs connoissances les forçent de s’arrêter. Toutes les fois qu’on nous dit que Dieu est l’auteur de quelque phénomène, cela signifie qu’on ignore comment un tel phénomène a pu s’opérer par le secours des forces ou des causes que nous connoissons dans la nature. C’est ainsi que le commun des hommes, dont l’ignorance est le partage, attribue à la divinité, non seulement les effets inusités qui les frappent, mais encore les événemens les plus simples dont les causes sont les plus faciles à connoître pour quiconque a pu les méditer[1]. En un mot, l’homme a toujours respecté les causes inconnues des effets surprenans, que son ignorance l’empêchoit de démêler.

Il reste donc à demander si nous pouvons nous flatter de connoître parfaitement les forces de la

  1. Il paroît que c’est faute de connoître les vraies causes des passions, des talens, de la verve poétique, de l’ivresse, etc., que ces êtres ont été divinisés sous les noms de Cupidon, d’Apollon, d’Esculape, de Furies. La terreur et la fièvre ont eu pareillement des autels. En un mot l’homme à cru devoir attribuer à quelque divinité tous les effets dont il ne pouvait se rendre compte. Voilà, sans doute, pourquoi l’on a regardé les songes, les vapeurs hystériques, les vertiges comme des effets divins. Les Mahom »tans ont encore un grand, respect pour les fous. Les chrétiens regardent les extases comme des faveurs du ciel ; ils appellent visions ce que d’autres appelleraient folie, vertige, dérangement de cerveau. Les femmes hystériques et souvent attaquées de vapeurs, sont les plus sujettes aux extases et aux visions. Les pénitens et les moines qui jeûnent, sont les plus exposés à recevoir les faveurs du Très-Haut, ou à rêver creux. Les Germains, suivant Tacite, croyoient que les femmes avaient quelque chose de divin. Ce sont des femmes qui, chez les sauvages, les excitent à la guerre. Les Grecs ont eu leurs Pythies, leurs Sibylles, leurs Prophétesses.