Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/24

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relâche sur les objets inconnus auxquels il commence toujours par attacher une très grande importance, & qu’il n’ose ensuite jamais examiner de sang froid.

Telle fut la marche de l’imagination dans les idées successives qu’elle se fit, ou qu’on lui donna sur la divinité. La première théologie de l’homme lui fit d’abord craindre & adorer les élémens même, des objets matériels & grossiers ; il rendit ensuite ses hommages à des agens présidans aux élémens, à des génies puissans, à des génies inférieurs, à des héros ou à des hommes doués de grandes qualités. à force de réfléchir il crut simplifier les choses en soumettant la nature entière à un seul agent, à une intelligence souveraine, à un esprit, à une ame universelle qui mettoit cette nature & ses parties en mouvement. En remontant de causes en causes, les mortels ont fini par ne rien voir, & c’est dans cette obscurité qu’ils ont placé leur dieu ; c’est dans cet abîme ténébreux que leur imagination inquiéte travaille toujours à se fabriquer des chimeres, qui les affligeront jusqu’à ce que la connoissance de la nature les détrompe des phantômes qu’ils ont toujours si vainement adorés.

Si nous voulons nous rendre compte de nos idées sur la divinité, nous serons obligés de convenir que par le mot dieu les hommes n’ont jamais pu désigner que la cause la plus cachée, la plus éloignée, la plus inconnue des effets qu’ils voyoient : ils ne font usage de ce mot que lorsque le jeu des causes naturelles & connues cesse d’être visible pour eux ; dès qu’ils perdent le fil de ces causes, ou dès que leur esprit ne peut plus en sui-