Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/267

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me. Ceux qui s’occuperont sérieusement de ses phantômes redoutables vivront dans des inquiétudes & des transes continuelles ; ils négligeront les objets les plus dignes de les intéresser pour courir après des chimeres ; ils passeront communément leurs tristes jours à gémir, à prier, à sacrifier, à expier les fautes réelles ou imaginaires qu’ils croient propres à offenser leur dieu sévère. Souvent dans leur fureur ils se tourmenteront eux-mêmes, ils se feront un devoir de s’infliger les châtimens les plus barbares pour prévenir les coups d’un dieu prêt à frapper, ils s’armeront contre eux-mêmes dans l’espoir de désarmer la vengeance & la cruauté du maître atroce qu’ils pensent avoir irrité ; ils croiront appaiser un dieu colère en devenant les bourreaux d’eux-mêmes & en se faisant tous les maux que leur imagination sera capable d’inventer. La société ne retire aucuns fruits des notions lugubres de ces pieux insensés ; leur esprit se trouve continuellement absorbé par leurs tristes rêveries, & leur tems se dissipe dans des pratiques déraisonnables. Les hommes les plus religieux sont communément des misanthropes très inutiles au monde & très nuisibles à eux-mêmes. S’ils montrent de l’énergie, ce n’est que pour imaginer des moyens de s’affliger, de se mettre à la torture, de se priver des objets que leur nature desire. Nous trouvons dans toutes les contrées de la terre des pénitens, intimément persuadés qu’à force de barbaries & de suicides lents exercés sur eux-mêmes, ils mériteront la faveur d’un dieu féroce, dont par-tout néanmoins l’on publie la bonté. Nous voyons des frénétiques de ce genre dans toutes les parties du monde ; l’idée d’un dieu terrible a fait naître en tout tems & en tous lieux les plus cruelles extravagances.