Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/27

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découvrir les vraies sources des événemens qu’ils admirent ou qu’ils craignent, qui leur fait croire que l’idée d’un dieu est une idée nécessaire, pour rendre compte de tous les phénomènes, aux vraies causes desquels l’on ne peut pas remonter. Voilà pourquoi l’on regarde comme des insensés tous ceux qui ne voient pas la nécessité d’admettre un agent inconnu ou une énergie secrete que, faute de connoître la nature, l’on plaça hors d’elle-même.

Tous les phénomènes de la nature font naître nécessairement dans les hommes des sentimens divers. Les uns leur sont favorables & les autres leur sont nuisibles ; les uns excitent leur amour, leur admiration, leur reconnoissance ; les autres excitent en eux le trouble, l’aversion, le désespoir. D’après les sensations variées qu’ils éprouvent, ils aiment ou craignent les causes auxquelles ils attribuent les effets qui produisent en eux ces différentes passions : ils proportionnent ces sentimens à l’étendue des effets qu’ils ressentent ; leur admiration & leurs craintes augmentent à mesure que les phénomènes dont ils sont frappés sont plus vastes, plus irrésistibles, plus incompréhensibles, plus inusités, plus intéressans pour eux. L’homme se fait nécessairement le centre de la nature entière ; il ne peut en effet juger des choses que suivant qu’il en est lui même affecté ; il ne peut aimer que ce qu’il trouve favorable à son être ; il hait & craint nécessairement tout ce qui le fait souffrir ; enfin, comme on a vu, il appelle désordre tout ce qui dérange sa machine, & croit que tout est dans l’ordre dès qu’il n’éprouve rien qui ne convienne à sa façon d’exister. Par une suite nécessaire de ces idées, le genre-humain s’est persuadé