Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/277

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nature, & plus fort que la nécessité. La théologie en conséquence s’est emparée de la morale, ou s’est efforcée de la lier au systême religieux ; l’on a cru que cette union rendroit la vertu plus sacrée ; que la crainte des puissances invisibles qui gouvernent la nature elle-même, donneroit plus de poids & d’efficacité à ses loix ; enfin on s’est imaginé que les hommes persuadés de la nécessité de la morale, en la voyant unie à la religion, regarderoient cette religion elle-même comme nécessaire à leur bonheur. En effet, c’est la supposition qu’un dieu est nécessaire pour appuyer la morale, qui soutient les idées théologiques, & la plupart des systêmes religieux sur la terre ; on s’imagine que sans un dieu l’homme ne pourroit ni connoître ni pratiquer ce qu’il se doit aux autres. Ce préjugé une fois établi, on croit que les idées toujours vagues d’un dieu métaphysique sont tellement liées à la morale & au bien de la société, qu’on ne peut attaquer la divinité sans renverser du même coup les devoirs de la nature. On pense que le besoin, que le desir du bonheur, que l’intérêt évident des sociétés & des individus seroient des motifs impuissans, s’ils n’empruntoient toute leur force & leur sanction d’un être imaginaire, dont on a fait l’arbitre de toutes choses.

Mais il est toujours dangereux d’allier la fiction à la vérité, l’inconnu au connu, le délire de l’enthousiasme à la raison tranquille. Que résulte-t-il en effet de l’alliage confus que la théologie a fait de ses merveilleuses chimeres avec des réalités : l’imagination égarée méconnut la vérité ; la religion, à l’aide de son phantôme, voulut commander à la nature, faire plier la