ture, ou que l’agent qui la meut, sont irrités contre lui.
C’est ainsi que l’homme, presque insensible au bien, sent très vivement le mal ; il croit l’un naturel, il croit l’autre contraire à la nature. Il ignore, ou il oublie, qu’il fait partie d’un tout, formé par l’assemblage de substances dont les unes sont analogues & les autres contraires ; que les êtres dont la nature est composée sont doués de propriétés diverses, en vertu desquelles ils agissent diversement sur les corps qui se trouvent à portée d’éprouver leur action ; il ne voit pas que ces êtres, dénués de bonté ou de malice, agissent suivant leurs essences & leurs propriétés, sans pouvoir agir autrement qu’ils ne font. C’est donc faute de connoître ces choses qu’il regarde l’auteur de la nature comme la cause des maux qu’il éprouve & qu’il le juge méchant, c’est-à-dire animé contre lui.
En un mot l’homme regarde le bien-être comme une dette de la nature, & les maux comme une injustice qu’elle lui fait ; persuadé que cette nature ne fut faite que pour lui, il ne peut concevoir qu’elle le fit souffrir, si elle n’étoit mue par une force ennemie de son bonheur, qui eût des raisons pour l’affliger & le punir. D’où l’on voit que le mal fut encore plus que le bien le motif des recherches que les hommes ont faites sur la divinité, des idées qu’ils s’en sont formées, & de la conduite qu’ils ont tenue à son égard. L’admiration seule des œuvres de la nature, & la reconnaissance de ses bienfaits n’eussent jamais déterminé le genre-humain à remonter péniblement par la pensée à la source de ces choses ; familiari-