Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/293

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tout genre. La superstition influa sur tout & servit à tout corrompre. La philosophie guidée par elle ne fut plus qu’une science imaginaire : elle quitta le monde réel, pour se jetter dans le monde idéal de la métaphysique : elle négligea la nature pour s’occuper de dieux, d’esprits, de puissances invisibles, qui ne servirent qu’à rendre toutes les questions plus obscures & plus compliquées. Dans toutes les difficultés, l’on fit intervenir la divinité, & dès-lors les choses ne firent jamais que s’embrouiller de plus en plus, rien ne put s’éclaircir. Les notions théologiques ne semblent avoir été inventées que pour dérouter la raison de l’homme, pour confondre son jugement, pour rendre son esprit faux, pour renverser ses idées les plus claires dans toutes les sciences. Entre les mains des théologiens, la logique, ou l’art de raisonner, ne fut plus qu’un jargon inintelligible, destiné à soutenir le sophisme & le mensonge, & à prouver les contradictions les plus palpables. La morale devint, comme on a vu, incertaine & flottante, parce qu’on la fonda sur un être idéal, qui jamais ne fut d’accord avec lui-même ; sa bonté, sa justice, ses qualités morales, ses préceptes utiles furent à chaque instant démentis par une conduite inique & des ordres barbares. La politique, comme on a dit, fut pervertie, par des idées fausses que l’on donna aux souverains de leurs droits. La jurisprudence & les loix furent soumises aux caprices de la religion, qui donna des entraves au travail, au commerce, à l’industrie, à l’activité des nations. Tout fut sacrifié aux intérêts des théologiens ; pour toute science ils n’enseignèrent qu’une métaphysique obscure & querelleuse, qui cent fois fit ruisseler le sang des peuples incapables de l’entendre.