Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/298

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plus sauvages & les plus ignorans ? L’objet sur lequel on a de tout tems le plus rêvé, le plus raisonné, le plus écrit, demeure toujours le moins connu ; au contraire, le tems n’a fait que le rendre plus impossible à concevoir. Si Dieu est tel que la théologie moderne nous le dépeint, il faut être soi-même un dieu pour s’en former une idée[1] ! à peine connoissons-nous l’homme, à peine nous connoissons-nous nous-mêmes & nos facultés, & nous voulons raisonner d’un être inaccessible à tous nos sens ! Parcourons donc en paix la ligne que la nature nous a tracée, sans nous en écarter pour courir après des chimeres ; occupons-nous de notre bonheur réel ; profitons des biens qui nous sont accordés ; travaillons à les multiplier en diminuant le nombre de nos erreurs ; soumettons-nous aux maux que nous ne pouvons éviter, & n’allons point les augmenter en remplissant notre esprit de préjugés capables de l’égarer. Quand nous voudrons y réfléchir, tout nous prouvera clairement que la science prétendue de Dieu, n’est dans le vrai qu’un ignorange présomptueuse, masquée sous des mots pompeux & inintelligibles. Terminons enfin des recherches infructueuses, reconnoissons du moins notre ignorance invincible ; elle nous sera plus avantageuse qu’une science arrogante, qui jusqu’ici n’a fait que porter la discorde sur la terre & l’affliction dans nos cœurs.

En supposant une intelligence souveraine qui gouverne le monde ; en supposant un Dieu qui

  1. Un poète moderne a fait une pièce de vers, couronnée par l’Académie, sur les attributs de Dieu, dans laquelle on a surtout applaudi ce vers.
    Pour dire ce qu’il est, il faut être lui-même.