Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/320

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les méchans qui la mettront de côté pour se livrer au crime, ou qui même se serviront de cette chimere divine pour justifier leurs forfaits. En un mot entre les mains des tyrans, ce dieu, tyran lui-même, ne servira qu’à écraser la liberté des peuples & violer impunément les droits de l’équité. Entre les mains des prêtres ce dieu sera un talisman propre à enivrer, aveugler, subjuguer également les souverains & les sujets ; enfin entre les mains des peuples, cette idole sera toujours une arme à deux tranchans dont ils se feront à eux-mêmes les blessures les plus mortelles.

D’un autre côté le dieu théologique n’étant, comme on a vu, qu’un amas de contradictions ; étant représenté, malgré son immutabilité, tantôt comme la bonté même, tantôt comme le plus cruel & le plus injuste des êtres ; étant d’ailleurs envisagé par des hommes dont la machine éprouve des variations continuelles, ce dieu, dis-je, ne peut en tout tems paroître le même à ceux qui s’en occupent. Ceux qui s’en forment les idées les plus favorables sont souvent malgré eux forcés de reconnoître que le portrait qu’ils s’en font n’est point toujours conforme à l’original. Le dévot le plus fervent, l’enthousiaste le plus prévenu ne peut s’empêcher de voir les traits de leur divinité changer, & s’ils étoient capables de raisonner, ils sentiroient l’inconséquence de la conduite qu’ils tiennent sans cesse à son égard. En effet ne verroient-ils pas que cette conduite semble démentir à chaque instant les perfections merveilleuses qu’ils assignent à leur dieu ? Prier la divinité n’est-ce pas douter de sa sagesse, de sa bienveillance, de sa providence, de son omniscience, de son immutabilité ? N’est-ce pas l’accuser d’oublier ses