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Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/319

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celui dont l’ame est tourmentée par des spectres odieux. Si une ame honnête & tendre ne cause point de ravages dans la société, un esprit agité par des passions incommodes, ne peut manquer de se rendre tôt ou tard incommode à ses semblables. Le Dieu d’un Socrate & d’un Fenelon peut convenir à des ames aussi douces que les leurs ; mais il ne peut être impunément le dieu d’une nation entière dans laquelle il sera toujours très rare de trouver des hommes de leur trempe. La divinité, comme on l’a souvent dit, sera toujours pour le plus grand nombre des mortels une chimere effrayante propre à leur troubler le cerveau, à mettre leurs passions en jeu, à les rendre nuisibles à leurs associés. Si des gens de bien ne voient leur dieu que comme rempli de bonté ; des hommes vicieux, inflexibles, inquiets & méchans prêteront à leur dieu leur propre caractère, & s’autoriseront de son exemple pour donner un libre cours à leurs propres passions. Chaque homme ne peut voir sa chimere qu’avec ses propres yeux ; & le nombre de ceux qui se peindront la divinité hideuse, affligeante & cruelle sera toujours bien plus grand & plus à craindre que ceux qui lui prêtent des couleurs séduisantes ; pour un heureux que cette chimere peut faire, elle fera des milliers de malheureux ; elle sera tôt ou tard une source intarissable de divisions, d’extravagances & de fureurs ; elle troublera l’esprit des ignorans sur lesquels les imposteurs & les fanatiques auront toujours du pouvoir ; elle effrayera les lâches & les pusillanimes ; que leur foiblesse dispose à la perfidie & à la cruauté ; elle fera trembler les plus honnêtes, qui même en pratiquant la vertu, craindront d’encourir la disgrace d’un dieu bizarre & capricieux ; elle n’arrêtera point