Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/323

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Ce même dieu, qui vous donna le jour, qui vous fournit vos besoins, qui vous conserve, ne vous ravit-il pas en un moment ces prétendus avantages ? Si vous regardez l’existence comme le plus grand des biens, la perte de cette existence n’est-elle pas, selon vous, le plus grand des maux ? Si la mort & la douleur sont des maux redoutables, cette mort & la douleur n’effacent-elles pas le bienfait de l’existence & des plaisirs qui peuvent quelquefois l’accompagner ? Si votre naissance & votre fin, vos jouissances & vos peines sont également entrées dans les vues de sa providence, je ne vois rien qui vous autorise à le remercier. Quelles peuvent être les obligations que vous pouvez avoir à un maître qui malgré vous vous force de venir en ce monde pour jouer un jeu dangereux & inégal auquel vous pouvez gagner ou perdre un bonheur éternel ?

On nous parle en effet d’une autre vie où l’on assure que l’homme sera complettement heureux. Mais en supposant pour un moment l’existence de cette autre vie (qui est aussi peu fondée que celle de l’être de qui on l’attend) il faudroit au moins suspendre sa reconnoissance jusqu’à cette autre vie ; dans la vie que nous connoissons les hommes sont bien plus souvent mécontens que fortunés ; si Dieu dans le monde où nous sommes n’a pu, ni voulu, ni permis que ses créatures chéries fussent parfaitement heureuses, comment s’assurer qu’il aura le pouvoir ou la volonté de les rendre par la suite plus heureuses qu’elles ne sont ? On nous citera pour lors des révélations, des promesses formelles de la divinité, qui s’engage à dédommager ses favoris des maux de la vie présente. Admettons pour un instant l’autenticité de ces