Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/334

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de forfait plus digne de châtiment, il n’est point d’entreprise plus dangereuse contre la société, que de dépouiller le phantôme qu’ils ne connoissent point des qualités inconcevables, & de l’appareil imposant dont l’imagination, l’ignorance, la crainte & l’imposture l’ont à l’envi entouré ; il n’est rien de plus impie & de plus criminel, que de rassurer les mortels contre un spectre, dont l’idée seule fut la source de tous leurs maux ; il n’est rien de plus nécessaire que d’exterminer des audacieux, assez téméraires pour tenter de rompre le charme invisible qui tient le genre-humain engourdi dans l’erreur ; vouloir briser ses fers, ce fut briser pour lui ses plus sacrés liens.

En conséquence de ces clameurs, sans cesse renouvellées par l’imposture, & répétées par l’ignorance, les nations, que dans tous les siècles la raison voulut détromper, n’osèrent jamais écouter ses leçons bienfaisantes. Les amis des hommes ne furent point entendus, parce qu’ils furent les ennemis de leurs chimeres. Ainsi les peuples continuent à trembler ; peu de sages ont le courage de les rassurer ; presque personne n’ose braver l’opinion publique infectée par la superstition ; on redoute le pouvoir de l’imposture & les menaces de la tyrannie qui cherche toujours à s’appuyer par des illusions. Les cris de l’ignorance triomphante & du fanatisme hautain, étouffèrent en tout tems la foible voix de la nature ; elle fut forcée de se taire, ses leçons furent bientôt oubliées ; & lorsqu’elle osa parler, ce ne fut le plus souvent que dans un langage énigmatique, inintelligible pour le plus grand nombre des hommes. Comment le vulgaire, qui saisit avec tant de peines les vérités les plus claires & les plus