Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/352

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& les autres reconnoissent que leur dieu doit leur servir de modèle : pourquoi ne s’y conforment-ils donc pas ? C’est que le tempérament de l’homme est toujours plus fort que ses dieux ; c’est que les dieux les plus méchans ne peuvent pas toujours corrompre une ame honnête, & que les dieux les plus doux ne peuvent corriger des cœurs emportés par le crime. L’organisation sera toujours plus puissante que la religion ; les objets présens, les intérêts momentanés, les habitudes enracinées, l’opinion publique, ont bien plus de pouvoir que des êtres imaginaires ou que des spéculations qui dépendent elles-mêmes de cette organisation.

Il s’agit donc d’examiner si les principes de l’athée sont vrais, & non si sa conduite est louable. Un athée qui, ayant une excellente théorie fondée sur la nature, l’expérience & la raison, se livre à des excès dangereux pour lui-même & nuisibles à la société est, sans doute, un homme inconséquent. Mais il n’est pas plus à craindre qu’un homme religieux & zélé, qui croyant un Dieu bon, équitable, parfait, ne laisse pas de commettre en son nom les excès les plus affreux. Un tyran athée ne seroit pas plus à craindre qu’un tyran fanatique. Un philosophe incrédule n’est pas si redoutable qu’un prêtre enthousiaste, qui soufle la discorde parmi ses concitoyens. Un athée revêtu du pouvoir seroit-il donc aussi dangereux qu’un roi persécuteur ou qu’un inquisiteur farouche, qu’un dévôt rempli d’humeur, qu’un superstitieux chagrin ? Ceux-ci sont moins rares assûrément qu’un athée, dont les opinions & les vices sont bien loin de pouvoir influer sur la société, trop remplie de préjugés pour vouloir l’écouter.