Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/351

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pourra seulement en conclure que dans l’ivresse de ses passions, dans le trouble de sa raison, il ne met point en pratique des spéculations très vraies ; qu’il oublie des principes certains pour suivre des penchans qui l’égarent.

En effet rien de plus commun parmi les hommes qu’une discordance très marquée entre l’esprit & le cœur ; c’est-à-dire entre le tempérament, les passions, les habitudes, les fantaisies, l’imagination, & l’esprit ou le jugement aidé de la réflexion. Rien de plus rare que de trouver ces choses d’accord ; c’est alors que l’on voit la spéculation influer sur la pratique. Les vertus les plus sûres sont celles qui sont fondées sur le tempérament des hommes. Ne voyons-nous pas en effet tous les jours les mortels en contradiction avec eux-mêmes ? Leur jugement ne condamne-t-il pas sans cesse les écarts auxquels leurs passions les livrent ? En un mot tout ne nous prouve-t-il pas que les hommes, avec la meilleure théorie, ont quelquefois la pratique la plus mauvaise, & avec la théorie la plus vicieuse ont souvent la conduite la plus estimable. Dans les superstitions les plus aveugles, les plus atroces, les plus contraires à la raison nous rencontrons des hommes vertueux ; la douceur de leur caractère, la sensibilité de leur cœur, la bonté de leur tempérament, les ramènent à l’humanité & aux loix de leur nature en dépit de leurs spéculations forcenées. Parmi les adorateurs d’un dieu cruel, vindicatif & jaloux, nous trouvons des ames paisibles, ennemies de la persécution, de la violence, de la cruauté ; & parmi les sectateurs d’un dieu rempli de miséricorde & de clémence, nous voyons des monstres de barbarie & d’inhumanité. Cependant les uns