Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/362

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tions que l’imagination doit en tirer. Un peu d’attention montreroit que c’est précisément ce phantôme qui est la vraie cause des maux de la société ; que des querelles interminables & des disputes sanglantes, enfantées à chaque instant par la religion & par l’esprit de parti, sont des effets inévitables de l’importance que l’on attache à une chimere toujours propre à mettre les esprits en combustion. En un mot il est aisé de se convaincre qu’un être imaginaire que l’on peint toujours sous un aspect effrayant, doit agir vivement sur les imaginations & produire tôt ou tard des disputes, de l’enthousiasme, du fanatisme & du délire.

Bien des gens reconnoissent que les extravagances que la superstition fait éclore sont des maux très réels ; bien des personnes se plaignent des abus de la religion, mais il en est très peu qui sentent que ces abus & ces maux sont des suites nécessaires des principes fondamentaux de toute religion, qui ne peut être elle-même fondée que sur les notions fâcheuses que l’on est forcé de se faire de la divinité. L’on voit tous les jours des personnes détrompées de la religion, prétendre néanmoins que cette religion est nécessaire au peuple, qui sans cela ne pourroit être contenu. Mais raisonner ainsi, n’est-ce pas dire que le poison est utile au peuple, qu’il est bon de l’empoisonner pour l’empêcher d’abuser de ses forces ? N’est-ce pas prétendre qu’il est avantageux de le rendre absurde, insensé, extravagant ; qu’il lui faut des phantômes propres à lui donner des vertiges, à l’aveugler, à le soumettre à des fanatiques ou à des imposteurs qui se serviront de ses folies pour troubler l’univers ? D’ailleurs est-il bien vrai que la religion influe sur les mœurs des peuples d’une