Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/363

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façon vraiment utile ? Il est aisé de voir qu’elle les asservit sans les rendre meilleurs ; elle en fait un troupeau d’esclaves ignorans, que leurs terreurs paniques retiennent sous le joug des tyrans & des prêtres ; elle en fait des stupides qui ne connoissent d’autres vertus qu’une aveugle soumission à des pratiques futiles, auxquelles ils attachent bien plus de prix qu’aux vertus réelles & aux devoirs de la morale qu’on ne leur a jamais fait connoître. Si cette religion contient par hazard quelques individus timorés, elle ne contient point le plus grand nombre, qui se laisse entraîner aux vices épidémiques dont il est infecté. C’est dans les pays où la superstition a le plus de pouvoir que nous trouverons toujours le moins de mœurs. La vertu est incompatible avec l’ignorance, la superstition, l’esclavage ; des esclaves ne sont contenus que par la crainte des supplices ; des enfans ignorans ne sont intimidés que pour quelques instans par des terreurs imaginaires. Pour former des hommes, pour avoir des citoyens vertueux, il faut les instruire, leur montrer la vérité, leur parler raison, leur faire sentir leurs intérêts, leur apprendre à se respecter eux-mêmes & à craindre la honte, exciter en eux l’idée du véritable honneur, leur faire connoître le prix de la vertu & les motifs de la suivre. Comment attendre ces heureux effets de la religion qui les dégrade, ou de la tyrannie qui ne se propose que de les dompter, de les diviser, de les retenir dans l’abjection ?

Les idées fausses que tant de personnes ont sur l’utilité de la religion, qu’ils jugent au moins propre à contenir le peuple, viennent elles-mêmes du préjugé funeste qu’il est des erreurs utiles & que des vérités peuvent être dangereuses. Ce princi-