Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/365

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principe ; elles conservent le phantôme, sans prévoir que tôt ou tard il doit produire les mêmes effets & faire de proche en proche éclore les mêmes folies dans les têtes humaines. La plûpart des incrédules & réformateurs ne font qu’élaguer un arbre empoisonné, à la racine duquel ils n’osent porter la coignée : ils ne voient pas que cet arbre reproduira par la suite les mêmes fruits. La théologie ou la religion seront en tout tems des amas de matières combustibles : couvées dans l’imagination des hommes, elles finissent toujours par causer des embrasemens. Tant que le sacerdoce aura le droit d’infecter la jeunesse, de l’habituer à trembler devant des mots, d’allarmer les nations au nom d’un dieu terrible, le fanatisme sera le maître des esprits, l’imposture à volonté portera le trouble dans les états. Le phantôme le plus simple, perpétuellement alimenté, modifié, exagéré par l’imagination des hommes, deviendra peu-à-peu un colosse assez puissant pour renverser toutes les têtes & culbuter des empires. Le déisme est un systême auquel l’esprit humain ne peut pas longtems s’arrêter ; fondé sur une chimere, on le verra tôt ou tard dégénérer en une superstition absurde & dangereuse.

On rencontre beaucoup d’incrédules & de déistes dans les pays où règne la liberté de penser ; c’est-à-dire, où la puissance civile a sçu contrebalancer le pouvoir de la superstition. Mais on trouve sur tout des athées dans les nations où la superstition, secondée par l’autorité souveraine, fait sentir la pesanteur de son joug, & abuse impudemment de son pouvoir illimité[1]. En ef-

  1. Les Athées sont, dit-on, plus rares en Angleterre & dans es pays protestants, où la tolérance est établie, que dans les pays