Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/374

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zard &, pour ainsi dire, sans dessein, ce qu’un homme moins troublé eût fait de propos délibéré. Un méchant qui craint son dieu & qui veut se soustraire à lui, peut très bien découvrir l’absurdité des notions qu’on lui donne, sans découvrir pour cela que ces mêmes notions ne changent rien à l’évidence & à la nécessité de ses devoirs.

Il faut être désintéressé pour juger sainement des choses ; il faut avoir des lumières & de la suite dans l’esprit pour saisir un grand systême. Il n’appartient qu’à l’homme de bien d’examiner les preuves de l’existence d’un dieu & les principes de toute religion ; il n’appartient qu’à l’homme instruit de la nature & de ses voies d’embrasser avec connoissance de cause le systême de la nature. Le méchant & l’ignorant sont incapables de juger avec candeur ; l’homme honnête & vertueux est seul juge compétent dans une si grande affaire. Que dis-je ! N’est-il pas alors dans le cas de desirer l’existence d’un dieu rémunérateur de la bonté des hommes ? S’il renonce à ces avantages que sa vertu le mettroit en droit d’espérer, c’est qu’il les trouve imaginaires, ainsi que le rémunérateur qu’on lui annonce, & qu’en réfléchissant au caractère de ce dieu, il est forcé de reconnoître que l’on ne peut point compter sur un despote capricieux, & que les indignités & les folies auxquelles il sert de prétexte surpassent infiniment les chétifs avantages qui peuvent résulter de sa notion. En effet tout homme qui réfléchit s’apperçoit bientôt que pour un mortel timide dont ce dieu retient les foibles passions il en est des millions qu’il ne peut retenir, & dont au contraire il excite les fureurs ; que pour un seul qu’il console il en est des milliers qu’il consterne, qu’il af-