Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/376

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tout sentiment dans son cœur, il est forcé de porter toujours au dedans de lui-même un juge inexorable, qui sans cesse lui reproche une conduite odieuse, qui le force de rougir, de se haïr lui-même, de craindre les regards & les ressentimens des autres. Le superstitieux, s’il est méchant, se livre au crime avec remords ; mais sa religion lui fournit bientôt les moyens de s’en débarrasser ; sa vie n’est communément qu’une longue chaîne de fautes & de regrêts, de péchés & d’expiations ; bien plus, il commet souvent, comme on a vu, des crimes plus grands pour expier les premiers : dépourvus d’idées fixes sur la morale, il s’accoutume à ne regarder comme des fautes que ce que les ministres & les interprêtes de son dieu lui défendent : il prend pour des vertus, ou pour des moyens d’effacer ses forfaits, les actions les plus noires que souvent on lui dit être agréables à ce dieu. C’est ainsi qu’on a vu des fanatiques expier par des persécutions atroces leurs adultères, leurs infamies, leurs guerres injustes, leurs usurpations ; & pour se laver de leurs iniquités se baigner dans le sang des superstitieux dont l’entêtement faisoit des victimes & des martyrs.

Un athée, s’il a bien raisonné, s’il a consulté sa nature, a des principes plus sûrs & toujours plus humains que le superstitieux : sa religion ou sombre ou enthousiaste, conduit toujours celui-ci soit à la folie, soit à la cruauté. Jamais on n’enivrera l’imagination d’un athée au point de lui faire croire que des violences, des injustices, des persécutions, des assassinats sont des actions vertueuses ou légitimes. Nous voyons tous les jours que la religion ou la cause du ciel aveuglent des personnes humaines, équitables & sensées sur tou-