Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/384

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subsister ? Quoique puissent en dire quelques spéculateurs, il ne paroit pas vraisemblable qu’il y ait sur notre globe un peuple nombreux qui n’ait aucune idée de quelque puissance invisible à qui il donne des marques de respect & de soumission[1]. L’homme, en tant qu’il est un animal craintif & ignorant, devient nécessairement superstitieux dans ses malheurs : ou il se fait un dieu pour lui-même, ou il admet le dieu que d’autres veulent lui donner. Il ne paroit donc pas que l’on puisse raisonnablement supposer qu’il y ait un peuple sur la terre totalement étranger à la notion de quelque divinité. L’un nous montrera le soleil ou la lune & les étoiles ; l’autre nous montrera la mer, des lacs, des rivières qui lui fournissent sa subsistance ; des arbres qui lui donnent un asyle contre l’inclémence de l’air ; un autre nous montrera une roche d’une forme bizarre, une montagne élevée, un volcan qui souvent l’étonne ; un autre vous présentera son crocodile dont il craint la malignité, son serpent dangereux, le reptile auquel il attribue sa bonne ou sa mauvaise fortune. Enfin chaque homme vous fera voir avec respect son fétiche ou son Dieu domestique & tutélaire.

Mais de l’existence de ses dieux, le sauvage

  1. On a quelquefois cru que la nation chinoise était athée ; mais cette erreur est due à des missionnaires chrétiens, accoutumés à traiter d’athées ceux qui n’ont pas des opinions semblables aux leurs sur la divinité. Il paraît constant que le peuple chinois est très-superstitieux, mais qu’il est gouverné par des chefs qui ne le sont nullement, sans pourtant être athées pour cela. Si l’empire de la Chine est aussi florissant qu’on nous le dit, il fournit au moins une preuve très-forte que ceux qui gouvernent n’ont pas besoin d’être superstitieux pour bien gouverner des peuples qui le sont.

    On prétend que les Groenlandais n’ont aucune idée de la divinité. Cependant la chose est difficile à croire d’une nation si sauvage et si mal traitée par la nature.