Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/385

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n’en tire pas les mêmes inductions que l’homme policé ; un peuple sauvage ne croit pas devoir beaucoup raisonner de ses divinités ; il n’imagine pas qu’elles doivent influer sur ses mœurs ni fortement occuper sa pensée : content d’un culte grossier, simple, extérieur il ne croit pas que ces puissances invisibles s’embarassent de sa conduite à l’égard de ses semblables ; en un mot il ne lie pas sa morale à sa religion. Cette morale est grossière, comme le peut être celle de tout peuple ignorant ; elle est proportionnée à ses besoins, qui sont en petit nombre ; elle est souvent déraisonnable, parce qu’elle est le fruit de l’ignorance, de l’inexpérience & des passions peu contraintes d’hommes pour ainsi dire, dans l’enfance. Ce n’est que dans une société nombreuse, fixée & civilisée que les besoins, venant à se multiplier & les intérêts à se croiser, l’on est obligé de recourir à des gouvernemens, à des loix, à des cultes publics, à des systêmes uniformes de religion, pour maintenir la concorde : c’est alors que les hommes rapprochés raisonnent, combinent leurs idées, raffinent & subtilisent leurs notions : c’est alors que ceux qui les gouvernent se servent de la crainte des puissances invisibles pour les contenir, pour les rendre dociles, pour les forcer d’obéir & de vivre en paix. C’est ainsi que peu-à-peu la morale & la politique se trouvent liées au systême religieux. Les chefs des nations, souvent superstitieux eux-mêmes, peu éclairés sur leurs propres intérêts, peu versés dans la saine morale, peu instruits des vrais mobiles du cœur humain, croient avoir tout fait pour leur propre autorité ainsi que pour le bien être & le repos de la société, en rendant leurs sujets superstitieux, en les menaçant de leurs phantômes invisibles, en les traitant