Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/394

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raisonnable, si avantageuse aux états que la saine philosophie peut se proposer d’introduire peu à peu sur la terre. Le genre humain ne seroit-il pas plus heureux, si les souverains du monde, occupés du bien-être de leurs sujets, laissoient à la superstition ses démêlés futiles, soumettoient la religion à la politique, forçoient ses ministres altiers à devenir des citoyens, & empêchoient soigneusement leurs querelles d’intéresser la tranquillité publique ? Quels avantages pour les sciences, pour les progrès de l’esprit humain, pour la perfection de la morale, de la jurisprudence, de la législation, de l’éducation ne résulteroient pas de la liberté de penser ? Aujourd’hui le génie trouve partout des entraves ; la religion s’oppose continuellement à sa marche, l’homme entouré de bandelettes ne jouit d’aucunes de ses facultés, son esprit même est à la gêne, & paroit continuellement enveloppé des langes de l’enfance. Le pouvoir civil, ligué avec le pouvoir spirituel, ne semble vouloir commander qu’à des esclaves abrutis, confinés dans un cachot obscur, où ils se font sentir réciproquement les effets de leur mauvaise humeur. Les souverains détestent la liberté de penser, parce qu’ils craignent la vérité ; cette vérité leur paroit redoutable, parce qu’elle condamneroit leurs excès ; ces excès leur sont chers parce qu’ils ne connoissent pas plus que leurs sujets leurs véritables intérêts qui devroient se confondre.

Que le courage du philosophe ne se laisse point abbattre par tant d’obstacles réunis, qui semblent exclure pour jamais la vérité de son domaine ; la raison, de l’esprit des hommes ; la nature, de ses droits. La millieme partie des soins que l’on a pris de tout tems pour infecter l’esprit humain