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Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/407

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obſtinés à se nuire, ſont en garde contre ceux-mêmes qui veulent leur procurer les plus grands biens. Accoutumés à être trompés, ils ſont dans des ſoupçons continuels, habitués à ſe défier d’eux mêmes, à craindre la raiſon, à regarder la vérité comme dangereuſe, ils traitent comme des ennemis ceux mêmes qui veulent les raſſûrer : prémunis de bonne heure par l’impoſture, ils ſe croient obligés de défendre ſoigneuſement le bandeau dont elle couvre leurs yeux, & de lutter contre tous ceux qui tenteroient de l’arracher. Si leurs yeux accoutumés aux ténebres s’entrouvrent un inſtant, la lumiere les bleſſe, & ils s’élancent avec furie ſur celui qui leur préſente un flambeau dont ils ſont éblouis. En conſéquence l’Athée eſt regardé comme un être malfaiſant, comme un empoiſonneur public ; celui qui oſe réveiller les mortels d’un ſommeil léthargique où l’habitude les a plongés paſſe pour un perturbateur, celui qui voudroit calmer leurs tranſports frénétiques, paſſe pour un frénétique lui-même ; celui qui invite ſes aſſociés à briſer leurs fers ne paroît qu’un inſenſé ou un téméraire à des captifs qui croient que leur nature ne les a faits que pour être enchaînés & pour trembler. D’après ces préventions funeſtes le diſciple de la nature eſt communément reçu de ſes concitoyens, de la même maniere que l’oiſeau lugubre de la nuit que tous les autres oiſeaux, dès qu’il ſort de ſa retraite, pourſuivent avec une haine commune & des cris différens.

Non, mortels, aveuglés par la terreur ! L’ami de la nature n’eſt point votre ennemi ; ſon interprete n’eſt point le miniſtre du menſonge ; le destructeur de vos phantômes n’eſt point le deſtructeur des vérités néceſſaires à votre bonheur ; le