Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/41

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Telle est donc la véritable origine de la mythologie. Fille de la physique embellie par la poesie, elle ne fut destinée qu’à peindre la nature & ses parties. Pour peu que l’on daigne consulter l’antiquité, on s’appercevra sans peine que ces sages fameux, ces législateurs, ces prêtres, ces conquérans qui instruisirent les nations dans l’enfance, adoroient eux-mêmes ou faisoient adorer au vulgaire la nature agissante ou le grand tout, envisagé suivant ses différentes opérations ou qualités[1] ; c’est ce grand tout qu’ils ont divinisé ; ce sont ses parties qu’ils ont personnifiées ; c’est de la nécessité de ses loix qu’ils ont fait le destin ; l’allégorie masqua sa façon d’agir & enfin ce furent les parties de ce grand tout que l’idolâtrie représenta sous des symboles & des figures[2].

Pour compléter la preuve de ce qui vient d’être dit, & pour faire voir que c’étoit le grand tout, l’univers, la nature des choses qui étoit le vérita-

  1. Les Grecs appelaient la nature une divinité qui avait mille noms (Μυριόνομα.) Toutes les divinités du paganisme n’étaient autre chose que la nature envisagée suivant ses différentes fonctions et sous ses différens points de vue. Les emblèmes dont on ornait ces divinités prouvent encore cette vérité. Ces différentes manières d’envisager la nature ont fait naître le polythéisme et l’idolâtrie. Voyez les remarques critiques contre Toland, par Benoist, pag. 258.
  2. Pour se convaincre de cette vérité, l’on n’a qu’à ouvrir les auteurs anciens. Je crois, dit Varron, que Dieu est l’ame de l’univers, que les Grecs ont nommé ΚΟΣΜΟΣ, et que l’univers lui-même est Dieu. Cicéron dit, eos qui dii appellantur rerum naturas esse. Vot. De Natura Deorum, Lib. III. Cap. a4 Le même Cicéron dit que dans les Mystères de Samotrace, de Lemnos et d’Eleusis c’était bien plus la nature que les dieux que l’on expliquait aux initiés. Rerum magis natura cognoscitur quarn deorum. Joigniez à ces autorités le livre de la sagesse, Chap. XIII, vs. 10 et Chap. XIV, vs 15 et 22. Pline dit d’un ton très dogmatique : il faut croire que.le monde, ou ce qui est renfermé sous la vaste étendue des cieux, est La Divinité même, éternelle, immense, sans commencement ni fin. V. Plin. Hist. Nat. Lib. II, Cap. 1 init.