Aller au contenu

Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

siciens ou en théologiens, ils crurent avoir fait une importante découverte en distinguant subtilement la nature d’elle-même, de sa propre énergie, de sa faculté d’agir. Ils firent peu-à-peu de cette énergie un être incompréhensible qu’ils personnifièrent, qu’ils appellèrent le moteur de la nature, qu’ils désignèrent sous le nom de Dieu, & dont jamais ils ne purent se former d’idées certaines. Cet être abstrait & métaphysique, ou plutôt ce mot, fut l’objet de leurs contemplations perpétuelles[1]. Ils le regardèrent non seulement comme un être réel, mais encore comme le plus important des êtres ; & à force de rêver & de subtiliser la nature disparut, elle fut dépouillée de ses droits, elle fut regardée comme une masse privée de force & d’énergie, comme un amas ignoble de matières purement passives, qui, incapable d’agir par elle-même, ne put plus être conçue agissante sans le concours du moteur qu’on lui avoit associé. Ainsi l’on préféra une force inconnue à celle que l’on eût été à portée de connoître, si l’on eût daigné consulter l’expérience ; mais l’homme cesse bien-tôt de respecter ce qu’il entend, & d’estimer les objets qui lui sont familiers ; il se figure du merveilleux dans tout ce qu’il ne conçoit pas ; son esprit travaille sur tout pour saisir ce qui semble échapper à ses regards, & au défaut de l’expérience il ne consulte plus que son imagination, qui le repaît de chimeres.

En conséquence les spéculateurs, qui avoient subtilement distingué la nature de sa force, ont successivement travaillé à revêtir cette force de

  1. Le mot grec ΘΕΟΣ vient de τίθημι, pono, facio, ou plutôt de ΘΕΑΟΜΑΙ, specto, contemplor.