Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

emblématiques qui leur servoient de voile ; il leur attribua ses biens & ses maux ; il tomba dans toutes sortes de folies & de fureurs pour les rendre propices à ses vœux ; ainsi faute de connoître la réalité des choses, son culte dégénéra souvent dans les plus cruelles extravagances & dans les folies les plus ridicules.

Tout nous prouve donc que la nature & ses parties diverses ont été par-tout les premières divinités des hommes. Des physiciens les observèrent bien ou mal, & saisirent quelques-unes de leurs propriétés & de leurs façons d’agir ; des poëtes les peignirent à l’imagination & leur prêtèrent du corps & de la pensée ; le statuaire exécuta les idées des poëtes ; des prêtres ornèrent ces divinités de mille attributs merveilleux & terribles ; le peuple les adora ; il se prosterna devant ces êtres si peu susceptibles d’amour ou de haine, de bonté ou de méchanceté ; &, comme nous le verrons par la suite, il devint méchant & pervers pour plaire à ces puissances, qu’on lui peignit toujours sous des traits odieux.

A force de raisonner & de méditer sur cette nature ainsi ornée, ou plutôt défigurée, les spéculateurs subséquens ne reconnurent plus la source d’où leurs prédécesseurs avoient puisé les dieux & les ornemens fantastiques dont ils les avoient parés. De physiciens & de poëtes transformés par le loisir & par de vaines recherches en Métaphy-

    Comme les passions fortes semblent entraîner l’homme malgré lui, on attribua ces passions à un Dieu où on les divinisa : c’est ainsi que l’amour devint Dieu. L’éloquence, la poésie, l’industrie furent divinisées sous le nom de Hermès, de Mercure, d’Apollon. Les remords furent appelés furies. Chez les chrétiens la raison est encorei divinisée sous le nom de verbe éternel.