Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/48

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ce qui leur convenoit à eux-mêmes fut nommé l’ordre de la nature ; cet ordre prétendu fut la mesure de sa sagesse ; enfin les qualités que les hommes appellent des perfections en eux-mêmes furent les modèles en petit des perfections divines. Ainsi, malgré tous leurs efforts, les théologiens furent & seront toujours des antropomorphites, ou ne pourront s’empêcher de faire de l’homme le modèle unique de leur divinité[1].

En effet l’homme dans son dieu ne vit & ne verra jamais qu’un homme ; il a beau subtiliser, il a beau étendre son pouvoir & ses perfections, il n’en fera jamais qu’un homme gigantesque, exagéré, qu’il rendra chimérique à force d’entasser sur lui des qualités incompatibles : il ne verra jamais en Dieu qu’un être de l’espèce humaine, dont il s’efforcera d’aggrandir les proportions au point d’en faire un être totalement inconcevable. C’est d’après ces dispositions que l’on attribue l’intelligence, la sagesse, la bonté, la justice, la science, la puissance à la divinité, parce que l’homme est intelligent lui-même ; parce qu’il a l’idée de la sagesse dans quelques êtres de son espèce ; parce qu’il aime à trouver en eux des dispositions favorables pour lui-même ; parce qu’il estime ceux qui montrent de l’équité ; parce qu’il a lui-même des connoissances qu’il voit plus étendues dans quelques individus qu’en lui ; enfin par-

  1. L’homme, dit Montaigne, ne peut être que ce qu’il est, ni imaginer que selon sa portée ; il a beau s évertuer, il ne connaît d’ame que la sienne. On disait à un homme très célèbre que Dieu avait fait l’homme à son image, l’homme le lui a bien rendu, répliqua ce philosophe. Xenophanes disait que, si le bœuf ou l’éléphant savaient sculpter ou peindre, ils ne manqueraient pas de représenter la divinité sous leur propre figure, et qu’en cela ils auraient autant de raison que Polyclete ou Phidias en lui donnant la forme humaine. Nous voyons, dit Lamotte le Vayer, que la Théantrophie sert de fondement à tout le Christianisme.