Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/58

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fit à Dieu une jurisprudence particulière. D’où l’on voit que les plus méchans des hommes ont servi de modèles à Dieu, & que le plus injuste des gouvernemens fut le modèle de son administration divine. Malgré sa cruauté & sa déraison l’on ne cessa jamais de le dire très juste & rempli de sagesse.

Les hommes en tout pays ont adoré des dieux bizarres, injustes, sanguinaires, implacables dont jamais ils n’osèrent examiner les droits. Ces dieux furent par-tout cruels, dissolus, partiaux ; ils ressemblèrent à ces tyrans effrénés qui se jouent impunément de leurs sujets malheureux, trop foibles ou trop aveugles pour leur résister ou pour se soustraire au joug qui les accable. C’est un dieu de cet affreux caractère que même aujourd’huy l’on nous fait adorer ; le dieu des chrétiens, comme ceux des grecs & des romains, nous punit en ce monde, & nous punira dans l’autre, des fautes dont la nature qu’il nous a donnée nous a rendus susceptibles. Semblable à un monarque enivré de son pouvoir il fait une vaine parade de sa puissance, & ne paroît occupé que du plaisir puérile de montrer qu’il est le maître & qu’il n’est soumis à aucunes loix. Il nous punit pour ignorer son essence inconcevable & ses volontés obscures. Il nous punit des transgressions de nos pères ; ses caprices despotiques décident de notre sort éternel ; c’est d’après ses décrets fatals que nous devenons ses amis ou ses ennemis, en dépit de nous-mêmes : il ne nous fait libres que pour avoir le plaisir barbare de nous châtier de l’abus nécessaire que nos passions ou nos erreurs nous font faire de notre liberté. Enfin la théologie nous montre dans tous les âges les mortels punis