Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/57

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de ses ancêtres, dont le monarque implacable se vengeoit encore sur leur innocente postérité. On trouva cette vengeance très légitime, parce que d’après des préjugés honteux les hommes proportionnent bien plus les châtimens à la puissance & à la dignité de l’offensé, qu’à la grandeur ou à la réalité de l’offense. En conséquence de ce principe on pensa qu’un dieu avoit indubitablement le droit de venger sans mesure & sans termes les outrages faits à sa majesté divine. En un mot l’esprit théologique se mit à la torture pour trouver les hommes coupables & pour disculper la divinité des maux que la nature leur fait nécessairement éprouver. On inventa mille fables pour rendre raison de la façon dont le mal étoit entré dans ce monde ; & les vengeances du ciel parurent toujours très motivées, parce que l’on crut que les fautes commises contre un être infiniment grand & puissant devoient être infiniment punies.

D’ailleurs on voit que les puissances de la terre, même quand elles commettent les injustices les plus criantes, ne souffrent point qu’on les taxe d’être injustes, qu’on doute de leur sagesse, qu’on murmure de leur conduite. On se garda donc bien d’accuser d’injustice le despote de l’univers, de douter de ses droits, de se plaindre de ses rigueurs ; on crut qu’un dieu pouvoit tout se permettre contre les foibles ouvrages de ses mains, qu’il ne devoit rien à ses créatures, qu’il étoit en droit d’exercer sur elles un empire absolu & illimité. C’est ainsi qu’en usent les tyrans de la terre, & leur conduite arbitraire servit de modèle à celle que l’on prêta à la divinité ; ce fut sur leur façon absurde & déraisonnable de gouverner qu’on