Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/60

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que néanmoins on s’étoit imaginé qu’il avoit formé l’univers uniquement pour elle.

C’est donc faute de regarder les biens & les maux comme des effets également nécessaires ; c’est faute de les attribuer à leurs véritables causes, que les hommes se sont créé des causes fictives, des divinités malfaisantes, dont rien ne put les désabuser. Cependant en considérant la nature ils auroient pu voir que le mal physique est une suite nécessaire des propriétés particulières à quelques êtres ; ils auroient reconnu que les pestes, les contagions, les maladies sont dues à des causes physiques, à des circonstances particulières, à des combinaisons qui, quoique très naturelles, sont funestes à leur espèce, & ils auroient cherché dans la nature elle-même les remèdes propres à diminuer ou faire cesser les effets qui les faisoient souffrir. Ils auroient vu pareillement que le mal moral n’étoit qu’une suite nécessaire de leurs mauvaises institutions ; que ce n’étoit point aux dieux du ciel, mais à l’injustice des princes de la terre qu’étoient dues les guerres, les disettes, les famines, les revers, les calamités, les vices & les crimes dont ils gémissent si souvent. Ainsi pour écarter ces maux ils n’eussent point inutilement étendu leurs mains tremblantes vers des phantômes incapables de les soulager, & qui ne sont point les auteurs de leurs peines ; ils eussent cherché dans une administration plus sensée, dans des loix plus équitables, dans des institutions plus raisonnables les remèdes à ces infortunes qu’ils attribuent faussement à la vengeance d’un Dieu, qu’on leur peint comme un tyran, en même temps qu’on leur défend de douter de sa justice & de sa bonté.