Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/61

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En effet on ne cesse de répéter aux hommes que leur dieu est infiniment bon, qu’il ne veut que le bien de ses créatures, qu’il n’a tout fait que pour elles : malgré ces assûrances si flatteuses l’idée de sa méchanceté sera nécessairement la plus forte ; elle est bien plus propre à fixer l’attention des mortels que celle de sa bonté ; cette idée noire est toujours celle qui se présente la première à l’esprit, toutes les fois qu’il s’occupe de la divinité. L’idée du mal fait nécessairement sur l’homme une impression bien plus vive que celle du bien ; parconséquent le dieu bienfaisant sera toujours éclipsé par le dieu redoutable. Ainsi, soit qu’on admette plusieurs divinités opposées d’intérêts, soit qu’on ne reconnoisse qu’un seul monarque dans l’univers, le sentiment de la crainte l’emportera nécessairement sur celui de l’amour ; on n’adore le dieu bon que pour l’empêcher d’exercer ses caprices, ses fantaisies, sa malice ; c’est toujours l’inquiétude & la terreur qui mettent l’homme à ses pieds ; c’est sa rigueur & sa sévérité qu’il cherche à désarmer. En un mot, quoique par-tout l’on nous assûre que la divinité est remplie de miséricorde, de clémence, de bonté, c’est toujours à un génie malfaisant, à un maître capricieux, à un démon redouté à qui l’on rend par-tout des hommages serviles & un culte dicté par la crainte.

Ces dispositions n’ont rien qui doive nous surprendre ; nous ne pouvons sincérement accorder notre confiance & notre amour qu’à ceux en qui nous trouvons une volonté permanente de nous faire du bien ; dès que nous avons lieu de soupçonner en eux la volonté, le pouvoir ou le droit de nous nuire, leur idée nous afflige, nous les