Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/62

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craignons & nous prenons de la défiance contre eux ; nous les haïssons au fond du cœur, même sans oser nous l’avouer. Si la divinité doit être regardée comme la source commune des biens & des maux qui arrivent en ce monde ; si elle a tantôt la volonté de rendre les hommes heureux & tantôt de les plonger dans la misère ou de les punir avec rigueur, les hommes doivent nécessairement redouter ses caprices ou sa sévérité, & en être bien plus occupés que de sa bienfaisance, qu’ils voient se déterminer si souvent. Ainsi l’idée de leur monarque céleste doit toujours les inquiéter ; la sévérité de ses jugemens doit les faire trembler bien plus que ses bienfaits ne peuvent les consoler ou les rassûrer.

Si l’on fait attention à cette vérité, on sentira pourquoi toutes les nations de la terre ont tremblé devant les dieux & leur ont rendu des cultes bizarres, insensés, lugubres & cruels ; ils les ont servis comme des despotes peu d’accord avec eux-mêmes, ne connoissans d’autres règles que leurs fantaisies, tantôt favorables, & plus souvent nuisibles, à leurs sujets ; en un mot comme des maîtres inconstans, moins aimables par leurs bienfaits que redoutables par leurs châtimens, par leur malice, par leurs rigueurs que l’on n’osa jamais trouver injustes ou excessives. Voilà pourquoi nous voyons les adorateurs d’un dieu que l’on montre sans cesse comme le modèle de la bonté, de l’équité & de toutes les perfections, se livrer aux plus cruelles extravagances contre eux-mêmes dans la vue de se punir & de prévenir la vengeance céleste, & commettre contre les autres les crimes les plus affreux, quand ils croient par là désarmer la colère, appaiser la justice & rappeller la