Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/67

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Dieu est éternel, signifie qu’il n’a point eu, comme nous, ou comme tout ce qui existe, un commencement, & qu’il n’aura point de fin ; dire que Dieu est immuable, c’est prétendre qu’il n’est point, comme nous, ou comme tout ce qui nous environne, sujet au changement. Dire que Dieu est immatériel, c’est avancer que sa substance ou son essence sont d’une nature que nous ne concevons point, mais qui doit être dès lors totalement différente de tout ce que nous connoissons.

C’est de l’amas confus de ces qualités négatives que résulte le dieu théologique, ce tout métaphysique dont il sera toujours impossible à l’homme de se faire aucune idée. Dans cet être abstrait tout est infinité, immensité, spiritualité, omniscience, ordre, sagesse, intelligence, puissance sans bornes. En combinant ces mots vagues ou ces modifications l’on crut faire quelque chose ; on étendit ces qualités par la pensée, & l’on crut avoir fait un dieu, tandis qu’on ne fit qu’une chimere. On s’imagina que ces perfections ou qualités devoient convenir à ce dieu parce qu’elles ne conviennent à rien de ce que nous connoissons ; on crut qu’un être incompréhensible devoit avoir des qualités inconcevables ; voilà les matériaux dont la théologie se sert pour composer le phantôme inexplicable devant lequel elle ordonne au genre-humain de tomber à genoux.

    Un théologien parle sur le même ton : « Le mot même infini confond, dit-il, nos idées sur Dieu, et rend le plus parfait des êtres parfaitement inconnu pour nous, car le mot infini n’est qu’une négation qui signifie ce qui n’a ni fin, ni limites, ni mesure, et par conséquent ce qui n’a point de nature positive et déterminée, et partant rien du tout. » Il ajoute qu’il n’y a que l’habitude qui ait fait adopter ce mot, qui sans cela nous paraîtrait vide de sens et une contradiction. V. Sherlock, Vindic of Trinity, p. 77.