Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/68

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Néanmoins un être si vague, si impossible à concevoir ou à définir, si éloigné de tout ce que les hommes peuvent connoitre ou sentir, n’est guère propre à fixer leurs regards inquiets ; leur esprit a besoin d’être arrêté par des qualités qu’il soit à portée de connoitre & de juger. Ainsi après avoir subtilisé ce dieu métaphysique, & l’avoir rendu en idée si différente de tout ce qui agit sur les sens, la théologie se trouve forcée de le rapprocher de l’homme dont elle l’avoit tant éloigné ; elle en refait un homme par les qualités morales qu’elle lui assigne ; elle sent que sans cela on ne pourroit persuader aux mortels qu’il puisse y avoir des rapports entre eux & l’être vague, aérien, fugitif, incommensurable qu’on leur fait adorer ; elle s’apperçoit que ce dieu merveilleux n’est propre qu’à exercer l’imagination de quelques penseurs dont le cerveau s’est accoutumé à travailler sur des chimeres ou à prendre des mots pour des réalités : enfin elle voit qu’il faut au plus grand nombre des enfans matériels de la terre un dieu plus analogue à eux, plus sensible, plus connoissable. En conséquence la divinité, malgré son essence ineffable ou divine, est revêtue de qualités humaines ; & l’on ne sentit jamais leur incompatibilité avec un être que l’on avoit fait essentiellement différent de l’homme, & qui ne peut par conséquent avoir ses propriétés ni être modifié comme lui. L’on ne vit point qu’un dieu immatériel & dépourvu d’organes corporels ne pouvoit ni agir ni penser comme un être matériel, que son organisation particulière rend susceptible des qualités, des sentimens, des volontés, des vertus que nous trouvons en lui. La nécessité de rapprocher Dieu de ses créatures a fait passer sur ces contradictions palpables, & la théologie