Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/72

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ture est l’assemblage, & ne suppose plus à son prétendu moteur une bonté ou une malice incompatibles, des qualités humaines, des idées & des vues qui n’existent qu’en toi-même.

En dépit de l’expérience, qui dément à chaque instant les vues bienfaisantes que les hommes supposent à leur dieu, ils ne cessent de l’appeller bon : lorsque nous nous plaignons des désordres & des calamités, dont nous sommes si souvent les victimes & les témoins, on nous assûre que ces maux ne sont qu’apparens ; on nous dit que si notre esprit borné pouvoit sonder les profondeurs de la sagesse divine & les trésors de sa bonté, nous verrions toujours les plus grands biens résulter de ce que nous appellons des maux. Malgré ces réponses frivoles nous ne pouvons jamais trouver du bien que dans les objets qui nous affectent d’une façon favorable à notre existence actuelle ; nous serons toujours forcés de trouver du désordre & du mal dans tout ce qui nous affectera, même en passant, d’une façon douloureuse ; si Dieu est l’auteur des causes qui produisent en nous ces deux façons de sentir si opposées, nous serons obligés d’en conclure qu’il est tantôt bon & tantôt méchant ; à moins qu’on ne voulût convenir qu’il n’est ni l’un ni l’autre, & qu’il agit nécessairement. Un monde où l’homme éprouve tant de maux ne peut être soumis à un dieu parfaitement bon ; un monde où l’homme éprouve tant de biens ne peut-être gouverné par un dieu méchant. Il faut donc admettre deux principes également puissans opposés l’un à l’autre ; ou bien il faut convenir que le même dieu est alternativement bon & méchant ; ou enfin il faut avouer que ce dieu ne peut agir autrement