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Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/80

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ception d’un petit nombre de sujets fidèles, tous les autres pourroient à chaque instant mépriser ses loix, l’insulter lui-même, frustrer ses volontés ? ô théologiens, convenez que votre dieu n’est qu’un amas de qualités qui forment un tout aussi incompréhensible pour votre esprit que pour le mien : à force de le surcharger d’attributs incompatibles vous en avez fait une vraie chimere, que toutes vos hypothèses ne peuvent maintenir dans l’existence que vous voulez lui donner.

On répond néanmoins à ces difficultés que la bonté, que la sagesse, que la justice sont en Dieu des qualités si éminentes, ou si peu semblables aux nôtres, qu’elles n’ont aucuns rapports avec ces mêmes qualités, quand elles se trouvent dans les hommes. Mais, répliquerai-je, comment me former une idée de ces perfections divines, si elles ne ressemblent en rien à celles de ces vertus que je trouve dans mes semblables, ou aux dispositions que je sens en moi-même ? Si la justice de Dieu n’est point celle des hommes ; si elle opère de la façon que les hommes appellent injustice ; si sa bonté, sa clémence, sa sagesse ne se manifestent point par les signes auxquels nous pouvons les reconnoître ; si toutes ses qualités divines sont contraires aux idées reçues ; si dans la théologie toutes les notions humaines sont obscurcies ou renversées, comment des mortels, semblables à moi prétendent-ils les annoncer, les connoître, les expliquer aux autres ? La théologie donneroit-elle à l’esprit le don ineffable de concevoir ce que nul homme n’est à portée de comprendre ? Procureroit-elle à ses suppots la faculté merveilleuse d’avoir des idées précises d’un dieu, composé de tant de qualités contradictoires ? En un mot le théologien seroit-il lui-même un dieu ?