Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/79

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s’il m’eût forcé de lui rendre mes hommages, & par là de mériter un bonheur ineffable ?

Le systême si peu fondé de la liberté de l’homme que nous avons détruit ci-devant fut visiblement imaginé pour laver l’auteur de la nature du reproche qu’on doit lui faire d’être l’auteur, la source, la cause primitive des crimes de ses créatures. En conséquence de ce présent funeste, donné par un dieu bon, les hommes, suivant les idées sinistres de la théologie, seront pour la plûpart éternellement punis de leurs fautes en ce monde. Des supplices recherchés & sans fin sont par la justice d’un dieu miséricordieux réservés à des êtres fragiles, pour des délits passagers, pour de faux raisonnemens, pour des erreurs involontaires, pour des passions nécessaires qui dépendent du tempérament que ce dieu leur a donné, des circonstances où il les a placés, ou, si l’on veut, de l’abus de cette prétendue liberté qu’un dieu prévoyant n’auroit jamais dû accorder à des êtres capables d’en abuser. Appellerions-nous bon, raisonnable, juste, clément, miséricordieux un père qui armeroit la main d’un enfant pétulant, dont il connoîtroit l’imprudence, d’un couteau dangereux & tranchant, & qui le puniroit pendant toute sa vie pour s’en être lui-même blessé ? Appellerions-nous juste, clément & miséricordieux un prince, qui ne proportionnant point le châtiment à l’offense, ne mettroit point de fin aux tourmens d’un sujet qui dans l’ivresse auroit passagérement blessé sa vanité, sans pourtant lui causer aucun préjudice réel, sur-tout après avoir pris soin lui-même de l’enivrer ? Regarderions-nous comme tout puissant un monarque dont les états seroient dans une telle anarchie, qu’à l’ex-