Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/93

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incommode des passions, ne soit un levain fatal capable d’aigrir à la longue les tempéramens les plus modérés.

Si un misantrope, en haine de la race humaine, eût formé le projet de jetter les hommes dans la plus grande perplexité, eût-il pu imaginer un moyen plus efficace que de les occuper sans relâche d’un être, non seulement inconnu, mais encore totalement impossible à connoître, qu’il leur eût annoncé pourtant comme le centre de toutes leurs pensées, comme le modèle & le but unique de leurs actions, comme l’objet de toutes leurs recherches, comme une chose plus importante que la vie, puisque leur félicité présente & future devoit nécessairement en dépendre ? Que seroit-ce si à ces idées, déjà si propres à leur troubler le cerveau, il joignoit encore celle d’un monarque absolu qui ne suit aucunes règles dans sa conduite, qui n’est lié par aucuns devoirs, qui peut punir pendant l’éternité les offenses qu’on lui fait dans le tems ; dont il est très aisé de provoquer la fureur, qui s’irrite des idées & des pensées des hommes, dont même sans le sçavoir, on peut encourir la disgrace ! Le nom d’un pareil être suffiroit assûrément pour porter le trouble, la désolation, la consternation dans les ames de tous ceux qui l’entendroient prononcer ; son idée les poursuivroit par-tout, elle les affligeroit sans cesse, elle les jetteroit dans le désespoir. à quelle torture leur esprit ne se mettroit-il pas pour chercher à deviner cet être si redoutable, pour découvrir le secret de lui plaire, pour imaginer ce qui peut le désarmer ! Dans quelles frayeurs ne seroit-on pas de n’avoir pas rencontré juste ! Que