Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 2.djvu/94

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de disputes sur la nature, sur les qualités d’un être également inconnu de tous les hommes, & vu diversement par chacun d’eux ! Quelle variété dans les moyens que l’imagination enfanteroit pour trouver grace devant ses yeux ou pour écarter son courroux !

Telle est mot pour mot l’histoire des effets que le nom de Dieu a produits sur la terre. Les hommes en furent toujours effrayés, parce qu’ils n’eurent jamais d’idées fixes de l’être que ce nom pouvoit représenter. Les qualités que quelques spéculateurs, à force de se creuser le cerveau, ont cru découvrir en lui ne firent que troubler le repos des nations & de chacun des citoyens qui les composent, les allarmer sans sujet, les remplir d’aigreurs & d’animosités, rendre leur existence malheureuse, leur faire perdre de vue les réalités nécessaires à leur bonheur. Par le charme magique de ce mot redoutable le genre-humain demeura comme engourdi & stupéfait, ou bien un fanatisme aveugle le rendit furieux ; tantôt abbatu par la crainte, il rampa comme un esclave qui se courbe sous la verge d’un maître inexorable toujours prêt à frapper ; il crut n’être né que pour servir ce maître qu’il ne connut jamais, & dont on lui donna les idées les plus terribles ; pour trembler sous son joug ; pour travailler à l’appaiser ; pour redouter ses vengeances ; pour vivre dans les larmes & la misère. S’il leva ses yeux baignés de pleurs vers son dieu, ce fut dans l’excès de sa douleur ; il s’en défia néanmoins toujours, parce qu’il le crut injuste, sévère, capricieux, implacable. Il ne put ni travailler à son bonheur, ni rassûrer son cœur, ni consulter sa