Page:Homère - Iliade, trad. Leconte de Lisle.djvu/245

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vain. Malheureux ! ose m’attendre, et tu verras ce que vaut la race de Zeus. Zeus engendra Minôs, gardien de la Krètè, et Minôs engendra un fils, l’irréprochable Deukaliôn, et Deukaliôn m’engendra pour être le chef de nombreux guerriers dans la grande Krètè, et mes nefs m’ont amené ici pour ton malheur, celui de ton père et celui des Troiens.

Il parla ainsi, et Dèiphobos délibéra s’il irait chercher pour soutien quelque autre des Troiens magnanimes, ou s’il combattrait seul. Et il vit qu’il valait mieux aller vers Ainéias. Et il le trouva debout aux derniers rangs, car il était irrité contre le divin Priamos qui ne l’honorait pas, bien qu’il fût brave entre tous les guerriers. Et Dèiphobos, s’approchant, lui dit en paroles ailées :

— Ainéias, prince des Troiens, si la gloire te touche, viens protéger ton beau-frère. Suis-moi, allons vers Alkathoos qui, époux de ta sœur, a autrefois nourri ton enfance dans ses demeures. Idoméneus, illustre par sa lance, l’a tué.

Il parla ainsi, et le cœur d’Ainéias fut ébranlé dans sa poitrine, et il marcha pour combattre Idoméneus. Mais celui-ci ne fut point saisi par la peur comme un enfant, et il attendit, de même qu’un sanglier des montagnes, certain de sa force, attend, dans un lieu désert, le tumulte des chasseurs qui s’approchent. Son dos se hérisse, ses yeux lancent du feu, et il aiguise ses défenses pour repousser aussitôt les chiens et les chasseurs. De même Idoméneus, illustre par sa lance, ne recula point devant Ainéias qui accourait au combat. Et il appela ses compagnons Askalaphos, Apharèos, Dèipyros, Mèrionès et Antilokhos. Et il leur dit en paroles ailées :

— Accourez, amis, car je suis seul, et je crains Ainéias aux pieds rapides qui vient sur moi. Il est très-brave, et c’est un tueur d’hommes, et il est dans la fleur de la jeunesse, à l’âge où la force est la plus grande. Si nous étions