Page:Homère - Iliade, trad. Leconte de Lisle.djvu/415

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cheville, et il y passa des courroies. Et il l’attacha derrière le char, laissant traîner la tête. Puis, déposant les armes illustres dans le char, il y monta lui-même, et il fouetta les chevaux, qui s’élancèrent avec ardeur. Et le Priamide Hektôr était ainsi traîné dans un tourbillon de poussière, et ses cheveux noirs en étaient souillés, et sa tête était ensevelie dans la poussière, cette tête autrefois si belle que Zeus livrait maintenant à l’ennemi, pour être outragée sur la terre de la patrie.

Ainsi toute la tête de Hektôr était souillée de poussière. Et sa mère, arrachant ses cheveux et déchirant son beau voile, gémissait en voyant de loin son fils. Et son père pleurait misérablement, et les peuples aussi hurlaient et pleuraient par la ville. On eût dit que la haute Ilios croulait tout entière dans le feu. Et les peuples retenaient à grand’peine le vieux Priamos désespéré qui voulait sortir des portes Dardaniennes. Et, se prosternant devant eux, il les suppliait, les nommant par leurs noms :

— Mes amis, laissez-moi sortir seul de la ville, afin que j’aille aux nefs des Akhaiens. Je supplierai cet homme impie qui accomplit d’horribles actions. Il respectera peut-être mon âge, il aura peut-être pitié de ma vieillesse ; car son père aussi est vieux, Pèleus, qui l’a engendré et nourri pour la ruine des Troiens, et surtout pour m’accabler de maux. Que de fils florissants il m’a tués ! Et je gémis moins sur eux tous ensemble que sur le seul Hektôr, dont le regret douloureux me fera descendre aux demeures d’Aidès. Plût aux dieux qu’il fût mort dans nos bras ! Au moins, sur son cadavre, nous nous serions rassasiés de larmes et de sanglots, la mère malheureuse qui l’a enfanté et moi !

Il parla ainsi en pleurant. Et tous les citoyens pleuraient. Et, parmi les Troiennes, Hékabè commença le deuil sans fin :

— Mon enfant ! pourquoi suis-je encore vivante, mal-