Page:Homère - Iliade, trad. Leconte de Lisle.djvu/416

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heureuse, puisque tu es mort ? Toi qui, les nuits et les jours, étais ma gloire dans Ilios, et l’unique salut des Troiens et des Troiennes, qui, dans la ville, te recevaient comme un dieu ! Certes, tu faisais toute leur gloire, quand tu vivais ; mais voici que la moire et la mort t’ont saisi !

Elle parla ainsi en pleurant. Et la femme de Hektôr ne savait rien encore, aucun messager ne lui ayant annoncé que son époux était resté hors des portes. Et, dans sa haute demeure fermée, elle tissait une toile double, splendide et ornée de fleurs variées. Et elle ordonnait aux servantes à la belle chevelure de préparer, dans la demeure, et de mettre un grand trépied sur le feu, afin qu’un bain chaud fût prêt pour Hektôr à son retour du combat. L’insensée ignorait qu’Athènè aux yeux clairs avait tué Hektôr par les mains d’Akhilleus, loin de tous les bains. Mais elle entendit des lamentations et des hurlements sur la tour. Et ses membres tremblèrent, et la navette lui tomba des mains, et elle dit aux servantes à la belle chevelure :

— Venez. Que deux d’entre vous me suivent, afin que je voie ce qui nous arrive, car j’ai entendu la voix de la vénérable mère de Hektôr. Mon cœur bondit dans ma poitrine, et mes genoux défaillent. Peut-être quelque malheur menace-t-il les fils de Priamos. Plaise aux dieux que mes paroles soient vaines ! Mais je crains que le divin Akhilleus, ayant écarté le brave Hektôr de la ville, le poursuive dans la plaine et dompte son courage. Car mon époux ne reste point dans la foule des guerriers, et il combat en tête de tous, ne le cédant à aucun.

Elle parla ainsi et sortit de sa demeure, semblable à une bakkhante et le cœur palpitant, et les servantes la suivaient. Arrivée sur la tour, au milieu de la foule des hommes, elle s’arrêta, regardant du haut des murailles, et reconnut Hektôr traîné devant la ville. Et les chevaux ra-