Page:Homère - Les dix premiers livres de l’Iliade trad. Salel 1545.djvu/59

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Fuſſent nombrez, & les Grecs d’aultre part,
De dix en dix diviſez à l’eſcart,
En diſpoſant apres à cheſque troupe,
Ung ſeul Troien pour les ſervir de coupe :
On trouveroit encor pluſieurs milliers
De noz Gregeois, eſtre ſans Sommelliers :
Tant ſommes nous plus grande quantité
Que ne ſont ceulx, qui de nativité
Sont dictz Troiens. Il eſt bien veritable,
Qui eſt venu ung nombre innumerable
De nations, en volonté profonde
De les defendre, encontre tout le monde.
Cela me trouble, & ne ſcay que penſer,
Ne povant plus icy rien advancer.
Si par neuf ans, que nous avons tenu
Troie aſſiegée, ilz ont tant ſouſtenu
Tous noz efforts, que fault-il qu’on eſpere
Gaigner ſur eulx, fors honte, & vitupere ?
La les vaiſſeaux, & toute leur matiere
Sont corrompuz : il n’y a voile entiere :
Les Maſtz pourriz, Antennes, & Cordage
Tres mal en point pour faire long voyage.
D’aultre coſté noz femmes douloureuſes,
Sont par longtemps de nous veoir deſireuſes :
Oyans les criz des enfans à l’entour,
Tous ſouhaitans en bref noſtre retour.
Et nous dolens, fruſtrez de noſtre entente,
Perdons icy & l’honeur, & l’attente ;
Bien cognoiſſans, qu’il ne nous eſt poſſible,
De ruiner ceſte ville invincible.
Parquoy, amys, on ne ſcauroit eſlire
Meilleur conſeil, ſinon qu’on ſe retire,