Page:Homère - Odyssée, traduction Leconte de Lisle, 1893.djvu/253

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accompli son message, il se hâta de rejoindre ses porcs, et il quitta les cours et la demeure.

Et les Prétendants, attristés et soucieux dans l’âme, sortirent de la demeure et s’assirent auprès du grand mur de la cour, devant les portes. Et, le premier, Eurymakhos, fils de Polybos, leur dit :

— Ô amis, certes, une audacieuse entreprise a été accomplie, ce voyage de Tèlémakhos, que nous disions qu’il n’accomplirait pas. Traînons donc à la mer une solide nef noire et réunissons très promptement des rameurs qui avertiront nos compagnons de revenir à la hâte.

Il n’avait pas achevé de parler, quand Amphinomos, tourné vers la mer, vit une nef entrer dans le port profond. Et les marins, ayant serré les voiles, ne se servaient que des avirons. Alors, il se mit à rire, et il dit aux Prétendants :

— N’envoyons aucun message. Les voici entrés. Ou quelque Dieu les aura avertis, ou ils ont vu revenir l’autre nef et n’ont pu l’atteindre.

Il parla ainsi, et tous, se levant, coururent au rivage de la mer. Et aussitôt les marins traînèrent la nef noire à terre, et les magnanimes serviteurs enlevèrent tous les agrès. Puis ils se rendirent tous à l’agora ; et ils ne laissèrent s’asseoir ni les jeunes, ni les vieux. Et Antinoos, fils d’Eupeithès, leur dit :

— Ô amis, les Dieux ont préservé cet homme de tout mal. Tous les jours, de nombreuses sentinelles étaient assises sur les hauts rochers battus des vents. Même à la chute de Hèlios, jamais nous n’avons dormi à terre ; mais, naviguant sur la nef rapide, nous attendions la divine Éôs, épiant Tèlémakhos afin de le tuer au passage. Mais quelque Dieu l’a reconduit dans sa demeure. Délibérons donc ici sur sa mort. Il ne faut pas que Tèlémakhos nous échappe, car je ne pense pas que, lui vivant, nous accomplissions notre dessein. Il est, en effet, plein de sagesse et