Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/196

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Il enferme pour moi les souffles de l’orage ;
Car des vents Kronion l’a fait dispensateur,
Et sa main, à son gré, les lâche ou les refrène.
Il attache l’objet au fond de ma carène
Avec un nœud d’argent, parfait obturateur ;
Mais il laisse couler l’haleine du Zéphyre
Pour guider nos vaisseaux. Oiseux préservatifs !
Notre propre folie allait nous déconfire.

Nous naviguons d’accord, neuf jours consécutifs.
Le dixième, déjà pointaient les rocs d’Ithaque,
Déjà les feux amis brillaient à l’horizon.
Or, un profond sommeil tout à coup me détraque,
Car j’avais constamment manié le timon,
Ne le cédant à nul, pour mieux gagner ma rade.
Cependant mes compains sont là verbiageant,
Sûrs que je rapportais de l’or et de l’argent,
Cadeaux du magnanime Éolus Hippotade.
Et chacun, en guignant, de dire à son voisin :
« Grands dieux ! combien cet homme est cher et sympathique
À tous les étrangers qu’il visite en chemin !
D’Ilion il ramène un butin magnifique,
Tandis que nous, passant par les mêmes milieux,
Ensemble à nos foyers nous rentrons les mains vides.
Éole maintenant l’a comblé de subsides
Fraternels ; mais voyons ces présents merveilleux,
Sachons l’argent et l’or qui dans l’outre s’enchapent. »
Ce funeste conseil triomphe en leurs esprits ;
L’outre est délicotée, et tous les vents échappent.
La tempête aussitôt les emporte meurtris
Loin du sol patrien ; je m’éveille aux rafales,
Et vite délibère en mon cœur généreux