Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/200

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Deux longs jours en ce lieu nous campons au rivage,
Accablés de fatigue, et le cœur bien réduit.
Mais au troisième éclat de l’Aube au doux visage,
Prenant avec ma lance une dague de choix,
De mon bateau je monte au dos d’une colline,
Pour voir une œuvre d’homme, entendre quelque voix.
M’arrêtant au sommet, curieux je m’incline :
Une fumée épaisse obscurait les bas-fonds,
Dans le palais de Circe, à travers fage et rouvre.
Je me propose alors, dans mes pensers profonds,
D’aller au toit fumeux qu’ainsi mon œil découvre.
Il me parut meilleur, en y réfléchissant,
De retourner d’abord à mon paisible ancrage,
Puis, par les miens lestés d’explorer le parage.
Je m’approchais déjà du vaisseau languissant,
Quand un dieu, qu’a touché ma solitude entière,
Dépêche sur ma route un cerf bien chevillé
Qui, des boschains pâtis, court boire à la rivière,
Car un soleil de feu longtemps l’a mordillé.
Comme il sort, je le frappe au milieu de l’échine;
Le javelot d’airain entre de part en part.
Il tombe net, la vie a quitté sa machine.
Sur son corps je m’appuie et retire le dard
Ahénide, qu’à terre incontinent je range.
Cela fait, arrachant maintes pousses d’un tronc,
J’en forme un gros lien d’une brasse de long,
Et j’attache les pieds de l’animal étrange.
Je le charge à mon col et marche au vaisseau creux,
Par ma pique étayé ; j’aurais été trop veule
À porter un tel poids avec une main seule.
Devant tous je le jette, et, d’un ton doucereux,
Je vais réconfortant mes gens à tour de rôle :