Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/201

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« Amis, quoique affligés, nous ne descendrons point
Avant le jour fixé, dans l’infernale geôle.
Venez donc ; tant qu’on a vin et viande d’appoint,
Il faut se bien nourrir et narguer la fringale. »

Je dis ; et sans retard accourent mes seconds.
Leurs manteaux rejetés, près des bords inféconds
Ils admirent la bête à l’ampleur sans égale.
Lorsqu’ils ont du tableau rassasié leurs yeux,
Tous se lavent les doigts, préparent la bombance.
Nous employons le jour, jusqu’au ternir des cieux,
À savourer des mets, des vins en abondance.
Quand le soleil s’éteint, que tout s’est obscurci,
Chacun de nous se couche auprès de la marine.

Mais lorsque reparaît l’Aurore purpurine,
Réunissant les miens, je les harangue ainsi :
« Écoutez, compagnons, malgré la foi détruite.
Très chers, nous ignorons où gît l’Aube et le Soir,
En quel coin Hélios sous terre va s’asseoir,
Pour renaître au matin ; donc recherchons de suite
Nos moyens de salut : pour moi, je n’en sais pas.
Du point où j’atteignis, j’ai découvert une île
Que ceint de toutes parts l’océan versatile ;
Elle est basse et mes yeux ont vu, des terrains plats,
Jaillir une fumée à travers rouvre et fage. »

Je dis ; eux désolés, de mettre en parangon
Les assauts d’Antiphate, horrible Lestrygon,
Et l’ire du Cyclope, affreux anthropophage.
Ils poussent des sanglots de pleurs entrecoupés ;
Mais à quoi bon ces cris, ces prunelles humides ?